Monster : l’histoire d’Ed Gein

Le roman « Psychose » (1959) de Robert Bloch comme le film d’Alfred Hitchcock s’inspirent d’une réalité criminelle, ils en sont des miroirs déformants. Aujourd’hui en 2025, reprendre cet immense classique du cinéma et mettre en scène la personnalité à son origine est construction d’un autre ensemble de miroirs de faits historiques, crimes et œuvres d’art. Il importe donc de percevoir l’ampleur de ces déformations dans la construction artistique, et leur signification. Cette saison 3 de la série Monster est- elle un documentaire historique où une fiction, quelle est la signification des déformations de l’histoire à laquelle elle procède ? A quelle construction de l’image de la femme avons nous affaire, et quelle est la portée clairement misogyne de ces altérations ?

Ed Gein Monster TV show

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Attention : la suite dévoile largement l’intrigue !

1 – Mise en scène de l’horreur

Robert Bloch est un auteur de littérature fantastique qui a commencé très jeune sa carrière, dans les années 30, et devint correspondant assidu de Lovecraft. S’ils se dédicacèrent réciproquement une de leurs nouvelles mettant en scène leur assassinat par des monstres d’outre espace, les écrits de Bloch évoluèrent dans les années 50 vers une horreur d’une autre nature. Les monstres deviennent purement humains pour une intrigue criminelle, inspirée de « faits divers » parmi les plus sordides.

« La véritable horreur ne se trouve pas dans les ombres, mais dans ce petit monde tordu à l’intérieur de notre propre crâne. »

Ainsi, l’affaire Ed Gein à Plainsfield, dans le Wisconsin (1957), non loin de Weyauwega où vivait Bloch, a presque tout de suite donné lieu à un roman, Psychose (1959), qui comporte une grande part de fiction et ne rapporte donc pas du tout la personnalité réelle d’Ed Gein :

« Ainsi, le véritable meurtrier n’a pas servi de modèle à mon personnage, Norman Bates. Ed Gein ne possédait ni ne gérait de motel. Ed Gein n’a tué personne sous la douche. Ed Gein ne s’intéressait pas à la taxidermie. Ed Gein n’a pas embaumé sa mère, n’a pas gardé son corps chez lui, ne s’est pas travesti et n’a pas adopté de personnalité alternative. Ce sont là les caractéristiques de Norman Bates, et Norman Bates n’existait pas avant que je l’invente. Tout est sorti de mon imagination, j’ajoute, ce qui explique probablement pourquoi si peu de gens me proposent de prendre une douche avec eux. »

L’adaptation au cinéma, qui suit méticuleusement l’intrigue du roman, conduira Alfred Hitchcock au sommet de sa carrière, pour un de ses films les plus connus. On connaît le succès, mais surtout l’immense héritage de « Psychose » (1960) dans ce que sont aujourd’hui la représentation cinématographique du crime et de la violence.

L’épisode 2 de la série Monster met en scène deux entretiens entre Alfred Hitchcock, en train de concevoir son prochain film, et Robert Bloch. Ils évoquent explicitement cette transformation de la mise en scène de l’horreur vers la pure humanité, mais aussi voire surtout le rôle de la représentation dans la constitution traumatique d’une personnalité criminelle comme celle d’Ed Gein. Ce sont des photos de l’horreur concentrationnaire, voire même certaines pratiques tribales découvertes lors de l’expansion coloniale, enseignées à l’école primaire, qui ont déclenché en lui (trigger) la criminalité.

On notera l’objection quelque peu énervée de madame Hitchcock concernant l’exhumation de cadavres qui ne rentre pas du tout dans cet ensemble de représentations… Notons aussi l’insistance d’Hitchcock pour savoir ce que Robert Bloch trouve le plus choquant dans les crimes d’Ed Gein, sachant que son projet est précisément d’en construire une représentation en portant celle de Bloch à l’écran, de la manière la plus perturbante possible pour le spectateur.

Robert Bloch Alfred Hitchcock Monster TV show

2 – Miroirs déformants et voyeurisme

Pour cela, Hitchcock va chercher un acteur dont les perturbations intérieures seront comparables à celles du criminel qu’il veut mettre en scène. C’est ainsi qu’Anthony Perkins va devenir cet Ed Gain fictif nommé Norman Bates, le condamnant à rester prisonnier de l’image déformée d’un criminel irréel, enfermé dans le reflet d’un autre sur la base de perversions intimes qui ont présidé à son choix comme acteur. Hitchcock est très clair à ce sujet. Quelles que soient les manières dont Anthony Perkins se débat avec son homosexualité (les « thérapies » de Mildred Newman sont mises en scène), l’acteur demeure enfermé dans ce reflet déformé nommé Norman Bates…

Or il est très clair que le modèle de tous ces reflets, Ed Gein, n’est ni homosexuel ni transsexuel. Certes, les scènes de travestissement ne manquent pas dans la série et sont même paroxystiques puisqu’il ira jusqu’à revêtir des masques féminins réalisés à partir du visage de cadavres exhumés ou de ses victimes. Cependant, même si on a effectivement retrouvé chez lui des journaux qui attestent de l’intérêt de Gein pour Christine Jorgensen et à la chirurgie ayant transformé son corps, l’interprétation psychiatrique n’a pourtant rien à voir avec cela. Christine Jorgensen sera très claire (même si l’entretien qui intervient à la fin de la série est irréel).

« Je ne pense pas que nous nous ressemblions le moins du monde. Les personnes transgenres sont rarement les auteurs d’actes de violence, Monsieur Gein. Nous sommes bien plus souvent les victimes de violence. » (Épisode 7, 35’20)

L’Ed Gein fictif d’Hitchcock nommé Norman Bates semble donc un reflet plus que déformé, et Anthony Perkins tout sauf une sorte de double partageant les mêmes fantasmes.

Le principal miroir avec le film que propose la série est celui de l’incontournable scène de la douche. Tout a été dit à propos de cette scène, comme de son immense influence sur la représentation de la violence, au cinéma et donc dans l’imaginaire collectif tant le succès de ce film fut retentissant. La série Monster ne pouvait pas ignorer cette scène, les réalisateurs Ian Brennan et Max Winkler vont donc choisir de la déformer en insistant presque uniquement sur ce que la version originale ne montre pas : le sang, et les coups de couteau. La grandeur de Hitchcock se mesure peut-être dans la quasi absence de ceux-ci, de vision des coups meurtriers, qui sont suggérés avec assez d’évidence pour que l’imagination du spectateur fasse le travail.

La version miroir de la scène dans la série Monster montre l’évolution significative de la représentation visuelle du crime, plus de 60 ans plus tard : on voit tous les coups portés et les flots de sang… C’est peut être même ce que le spectateur d’aujourd’hui attend, une vision explicite de l’horreur criminelle qui ne suggère plus rien. L’héritage d’Hitchcock, des successeurs de ce film, sont passés par là, avec Massacre à la tronçonneuse et Le Silence des Agneaux que la série met en scène soigneusement. La violence à l’écran a évolué depuis l’acte originel de la scène de la douche dans Psycho. Alfred Hitchcock lui même est bien conscient des conséquences de sa création sur l’évolution ultérieure du cinéma qu’il a lui même transformé, sans possibilité de retour comme le montre la fin de l’épisode 3. La question qui se pose à lui est de savoir ce qu’il va bien pouvoir filmer maintenant qu’il a transformé le public.

L’actrice Suzanna Son, miroir de l’actrice originale Janet Leigh dans la douche, est le principal personnage féminin de la série, puisqu’elle interprète également Adeline Watkins. Cette scène est maintenant isolée de toute intrigue, son déroulement est suggéré dans la maison d’Adeline et non dans une chambre de motel. Observer une femme sous la douche, n’est-ce pas le modèle même du voyeurisme ? Ce pour quoi les spectateurs ont payé leur place de cinéma ?

L’épisode 1 commence déjà avec le voyeurisme d’Ed Gein qui s’introduit chez Adeline Watkins pour la regarder dans sa chambre en sous vêtements, et s’enfuir. Les miroirs du voyeurisme sont multipliés dans l’épisode 2, avec la chanson bien connue I’ll be seeing you en fond musical. D’abord, est mis en scène un autre regard somme toute innocent d’Ed Gein, par le trou de la serrure de la porte d’entrée de la maison d’Adeline (en non cette fois de sa chambre). Il surprend une dispute de la jeune fille avec sa mère à son sujet. Il s’en va et laisse ses fleurs sur le perron, ce qui est à l’honneur de sa discrétion. Ces scènes sont clairement fictives. Suit un voyeurisme plus coupable et cette fois réel, celui d’Hitchcock lui même, chez lui, en train de regarder par un trou dans le mur qu’il dissimule soigneusement. Sa femme est en train de revêtir les mêmes sous vêtements verts qui font tant fantasmer Ed Gein. Puis Hitchcock regarde par un autre trou, cette fois dans le mur de la salle de cinéma, les réactions du public devant la scène de la douche. D’abord, sa femme (qu’il appelle mère) quitte la salle, apparemment outrée mais non choquée, dans la continuité de son jugement sur le travail de son mari. Ensuite suivent les spectateurs tous profondément marqués par une telle violence dont ils ont été voyeurs, pour le plus grand plaisir du cinéaste qui les contemple.

Alfred Hitchcock voyeur Monster Ed Gein TV show

Le voyeurisme le plus coupable n’est donc pas celui du criminel qui inspire toute cette horreur : c’est ce que suggère la série, en mettant en parallèle les voyeurismes du fictif Ed Gein et du réel Hitchcock.

Comment est donc construit ce personnage d’Ed Gein, avec quelle représentation générale de la femme ?

3 – Adeline Watkins et l’image de la femme dans la série « Monster »

Cette série met en scène un nombre considérable de femmes au-delà des victimes, et le moins que l’on puisse dire est qu’elles ne sont pas toutes très sympathiques malgré leurs différences.

Ed Gein aurait-il été un autre, n’est-il devenu ce criminel qu’en raison de sa mère ? Le premier épisode nous livre un ensemble d’éléments, mais la personnalité d’Augusta Gein est décrite de manière accablante, comme l’éducation qu’elle donne à son fils. Toute femme est une « Jezebel », tentatrice, obscène et diabolique, et Ed ne doit avoir aucune relation avec aucune d’entre elles. Tel est le discours que tient la mère devant son fils, nu, après l’avoir surpris dans ses sous-vêtements en train de se masturber. Madame Gein aurait probablement davantage désiré une fille que deux garçons…

Augusta Gein Monster TV show

Il est ainsi peu étonnant qu’il ne parvienne à tenter d’aborder deux jeunes filles dans le bar du village que de manière… maladroite. Il a plus tard rendez vous dans ce bar avec Adeline Watkins, qui lui offre un ensemble de photos de l’horreur des camps nazis ainsi qu’une bande dessinée (fictive) des « prouesses » d’Ilse Koch, la « bête de Buchenwald ». Celle ci apparaîtra de manière récurrente dans des scènes fantasmées, en particulier lors du meurtre de Mary Hogan qui est mis en scène comme une vaste hallucination. Ces éléments sont fictifs, introduits dans la série pour construire un personnage qui comble peut être certains mystères, mais au prix de ce que nous savons être la vérité.

« Mais il n’existe aucune preuve concrète que Gein ait été d’une quelconque manière « inspiré » par Koch ou par les nazis pour commettre ses propres meurtres macabres et ses actes de taxidermie humaine »

Les bandes dessinées qu’offre Watkins à Gein sont clairement modernes, ce ne sont pas des BDs des années 50. Les photos des camps semblent par contre bien authentiques.

Le contact avec des scènes traumatisantes créent une personnalité criminelle, comme nous l’avons vu lors de l’entretien d’Hitchcock avec Robert Bloch. Si l’on retient cette théorie, il est clair que la cause des crimes de Gein est bien Watkins, qui lui déclare juste avant de lui remettre les photos et revues qu’ils sont « tous les deux bizarres ». Elle le confirmera plus tard, alors qu’elle confondra Gein pour lui avoir volé ses sous vêtements.

« – Il y a quelque chose de vraiment sombre en toi, Eddie Gein.

– Eh bien, c’est facile à dire quand on est pareil.

– Tu as raison » (Episode 4, 4’49)

Le personnage d’Adeline Watkins est absolument central. L’épisode 5 (Ice) lui est presque entièrement consacré. On la voit ainsi être confrontée à d’autres femmes dans une tentative de socialisation, comme ce club de ménagères qui se réunissent pour prendre des cours de cuisine avec Eleanor Adams. Elle n’a pas partagé le repas d’Ed Gein (qui mange apparemment dans des cranes…) à cause de ce rendez vous, mais ne mange pas non plus chez Mme Adams, où elle n’a clairement pas sa place et se sent étrangère. Elle provoquera un scandale considérable en lui rappelant que son fils est un violeur, et viendra vêtue de rouge à ses funérailles quelques jours plus tard.

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Adeline va décider de partir tenter sa chance comme photographe à New York, et déclarera lors de la dernière visite de son amie Suzette (peut être la seule femme apparemment sympathique de tout l’épisode) qu’elle n’est pas assez sophistiquée pour elle et la grande ville. Lors de sa visite d’adieu à Gein, elle va l’encourager à la nécrophilie (sur la personne de Mme Adams) pour combler son absence :

« – Tu devrais peut-être le faire avec quelqu’un qui ne peut pas dire non. Quelqu’un de mort.

– Oui, j’y ai pensé. Je n’ai pas pu m’y résoudre.

– Pourquoi pas ? Oh Eddie, ils sont morts, alors ça n’a pas d’importance. » (Episode 5, 16’34)

Mais ses tentatives de carrière à New York se solderont par un échec personnel considérable. Son voyage visait à rencontrer le photographe Ascher Fellig, Weegee, dont elle cherche à devenir l’assistante. Il la rejettera violemment, en lui reprochant son harcèlement par courrier mais surtout en prenant ses photos de cadavres découpés pour des faux grossiers (ce qu’ils ne sont pas…).

De retour à Plainsfield, sa mère lui dira qu’elle est une ratée, ne l’a jamais désirée et a tenté de provoquer une fausse couche de nombreuses fois. « Cette idée que tu es une ratée, bien sur que c’est vrai » (Episode 5 39’53)

Plongée dans cet univers enneigé, après avoir logé dans un appartement New Yorkais glacial dont elle assassine probablement la propriétaire, Adeline Watkins finira par s’offrir à Ed Gein qui ne pourra la désirer que froide, plongée dans la baignoire de glace qui clôt l’épisode.

Nous reverrons Adeline Atkins à deux reprises après l’arrestation du « boucher de Plainfield ». D’abord, elle niera toute relation approfondie avec le criminel devant une foule de journalistes massée devant chez elle. Tout en tentant de faire sa promotion personnelle. Les auteurs de la série ne lui prêtent pas les déclarations qui sont pourtant rapportées comme authentiques à l’époque dans les médias. Elle tentera ensuite de se faire passer pour journaliste afin de recueillir les impressions du fils de Bernice Worden après l’office funéraire.

Enfin, elle rendra visite à son ancien ami des années plus tard, alors qu’il sera mourant dans un asile d’aliénés. C’est un Ed Gein malade, en fauteuil roulant, mais très apaisé qui regrettera sans réel reproche qu’Adeline ne l’aie pas accompagné lors de ses épreuves, au moins par une visite. Elle lui parlera de ses projets de meurtre, et il la quittera en lui disant qu’il l’aime, ce à quoi elle ne répond que par un assentiment même si elle montre quelques signes d’émotion.

Adeline Watkins monster TV show

4 – Mise en scène de la rédemption

Qu’y a t il d’authentique dans ce personnage clef d’Adeline Watkins ? De ce que nous en savons, très peu de choses. Il s’agit d’une construction qui permet aux auteurs de la série d’atténuer la responsabilité du vrai criminel. Max Winkler a des propos très clairs quand à sa perception du personnage réel d’Ed Gein :

« Ce pauvre homme, atteint de schizophrénie non diagnostiquée, au milieu de ces vastes paysages désolés, avec pour seule compagnie le vent et les champs de maïs gelés, sans personne à qui parler, une mère abusive et un frère en cavale. Ces paysages (…) étaient vraiment importants pour nous, pour ressentir l’immensité de l’espace et la petitesse de l’homme, et pourtant, quand on est dans sa tête, on perçoit à quel point ses pensées sont envahissantes. (…)

J’ai ressenti de l’empathie pour Ed Gein lorsque j’ai fait des recherches et que j’ai compris le genre de maltraitance qu’il avait subie, le traumatisme intergénérationnel qu’il avait vécu, et à quel point il doit être difficile d’entendre ces voix dans sa tête sans savoir d’où elles viennent ni à qui en parler. »

Cette construction fictive se poursuit sur le mode de la rédemption d’un miroir très altéré d’Ed Gein qui aide la police à identifier un criminel depuis sa détention en asile. Cette rédemption se poursuit dans les images qui concluent ces 8 épisodes, qui mettent en scène un boucher de Plainfield somme toute bien sympathique, un peu comme un grand enfant qui ne demande qu’à être choyé par sa mère. On finirait par oublier à quel point ce personnage, comme d’autres et en particulier celui Adeline Atkins n’ont rien de réel, à quel point on a basculé de l’enquête historique vers la pure fiction.

Six meurtres sont attribués à Ed Gein dans la série : de manière fictive, son propre frère, de manière peut-être accidentelle (épisode 1) et deux chasseurs égarés (Victor Harold Travis et Raymond Burgess) qui le surprennent à l’œuvre dans son « atelier » et qu’il poursuit dans les bois avec une tronçonneuse (épisode 4). Des meurtres d’enfants ont été commis pour lesquels on suspecte Gein, la série l’innocente de ces crimes avec un humour macabre insolite sinon discutable, nous le voyons se soulager sinon se venger sur la babysitter handicapée Evelyn Grace Hartley (épisode 3). Deux meurtres sont, eux, bien prouvés et reconnus par Gein : Mary Hogan, tenancière d’un bar de Plainfield (épisode 2) et Bernice Worden, propriétaire d’un magasin de fournitures (épisode 4). Il conclut ces deux meurtres en volant la caisse, et en emportant les cadavres pour les dépecer.

Que les images et les scènes soient choquantes est un fait, Ian Brennan et Max Winkler sont indéniablement de bons héritiers de l’œuvre d’Alfred Hitchcock comme de ses successeurs. La réalisation de l’ensemble des épisodes comme le jeu des acteurs sont en tout point remarquables pour une histoire tout à fait captivante. Son morcellement et la multiplication des personnages, avec la mise en scène de figures historiques comme Robert Bloch, au delà d’Hitchcock et d’Anthony Perkins, ne nuisent pas au suivi d’une intrigue extrêmement bien menée, même si certaines critiques ont pu reprocher cela à la série.

Revenons cependant à ce moment où Mme Hitchcock quitte le repas avec Robert Bloch de très mauvaise humeur, lorsque la nécrophilie d’Ed Gein est évoquée. Le plus dérangeant, non pas sur le mode de la mise en scène ou de l’imaginaire, mais de la prise de parti, est en effet ailleurs. Que le sens de toute cette fiction consiste à comprendre un criminel, soit. Quand à réduire sa responsabilité, cela est discutable au vu de ce dont il est clairement coupable, même pour un malade mental. Que cela se fasse au moyen d’une construction fictive clairement et constamment misogyne est beaucoup plus difficile à supporter.

La série Bates Motel (2013 – 2017) demeure, elle, dans la pure fiction et s’efforce de construire des personnages de manière beaucoup plus nuancée, à commencer par la mère de Norman Bates remarquablement interprétée par Vera Farmiga. Cette démarche nous semble largement préférable à l’exhumation d’un meurtrier particulièrement sordide dont le portrait discutable est tracé au détriment de l’image de sa principale victime : la femme.

Yves Potin 2025